1990 Construction du Café Théâtre du Lac
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« Ne pas avancer, c’est reculer” persuadés de la véracité de cette adage, on impulse de nouveaux chantiers.
Depuis 1987, au Théâtre de Verdure, notre aventure est observée et soutenue avec intérêt par les médias régionaux et nationaux (Le Point, Libération…) . Le bouche à oreille est très favorable. Nous séduisons beaucoup de spectateurs et de très nombreux sympathisants qui manifestent leur intérêt par des soutiens et aides. Ils s’enquièrent de nos projets animés dans ce coteau, propriété communale, du bord du Lac de Chardes et suivent avec intérêt chaque création et la vie de cet espace atypique, désormais reconnu et envié.
Révélé comme le don d’une fortune qui paraît-il ne sourit qu’aux audacieux, un de ces spectateur, sympathisant parisien collectionneur de très grands et valeureux décors de théâtre, nous fait une proposition digne des plus belles histoires. Ce collectionneur possède, entre autre, un magnifique décor hérité du Théâtre Hébertot de Paris. Conçu par Bercut en 1987, c’est un ensemble de métal et de verrières, couvert en rotonde avec des praticables et un magnifique escalier. C’est une véritable œuvre d’art reconnue comme étant un des plus beaux décors de théâtre.
Ce décor fut le cadre des représentations de “Une chambre sur la Dordogne” écrit par Claude Rich et jouée par lui-même et Anne Alvaro.
Pour mériter ce don, il nous faut y projeter un projet culturel.
Imaginer encore dans le changement c’est là, l’occasion de proposer des spectacles très différents de ceux des deux années précédentes. Pourquoi? Parce qu’il est bon d’introduire dans les programmes une large variété et d’offrir au public un éventail aussi riche que possible de manifestations. Parce qu’il est nécessaire d’ouvrir des voies nouvelles, de prospecter d’autres genres, sans se laisser momifier dans une catégorie. Parce qu’il est indispensable de “laisser souffler” les grands spectacles comme “Le Songe d’une nuit d’été” et “Tristan et Iseult”. C’est un Café théâtre qui va se construire. Une scène pour des rencontres plus intimes.
Quelques mois plus tard, nous réceptionnons deux immenses semi-remorques pleines d’éléments de décors qui nous arrivent de Paris.
C’est à partir de permis de construire, de plans, projetant l’ensemble de ce nouveau projet, dans un autre espace municipal, aménagé, indépendant, à mi-pente, au dessus du Théâtre de Verdure que nous installerons ce décor. Il sera niché et entouré de bouquets d’arbres dans le sous-bois du lac.
Il se fondera au décor naturel et l’espace scénique aura pour toile de fond une magnifique vue sur le lac en contrebas.
Cet hiver et printemps 1990, naît l’espace “Café Théâtre du Lac”
Nous voilà de nouveau en travaux.
Avec un tracto-pelle, des pioches et des barres à mine, nous terrassons une immense plate forme encavée à mi talus.
De mains d’hommes, nous creusons les terrasses en étages dans la partie pentue.
Nous aménageons le chemin d’accès.
On enroche et végète un charmant petit ruisseau sinueux coulant le long du “Café théâtre”.
Les plans de Bercut, l’architecte, nous plongent pendant des jours et des heures, dans les plus perplexes recherches, perdus au milieu des centaines de pièces détachées qui jonchent le sol. Nous sommes en face d’un « légo » géant. Certaines pièces sont immenses, il nous faut les hisser avec des treuils et des cordages. Ceux-ci, amarrés des pieds aux cimes des arbres forment une vraie toile d’araignée.
C’est perchés en équilibre sur d’immenses échelles que nous hissons la verrière. Nous ne manquons pas de nous faire peur et d’inquiéter les passants et amis dans cette mise en place brinquebalante. Munis de visseuses, de fils à plomb, d’équerres, de pointes, de chalumeaux, de harnais, de tendeurs, de descendeurs, d’élingues et de contreforts, nous assemblons les centaines de pièces et dizaines de panneaux gigantesques. La verrière peu à peu se dresse là, mystérieuse et fantomatique, au milieu des bois, dominant le lac de Chardes.
Puis, encore et encore, les hommes creusent nivellent, assemblent, construisent des coulisses en maçonnerie, la régie en bois et montent des portiques d’éclairages.
Les femmes et enfants viennent en renfort pour poser les milliers de pavés qui aménagent et dessinent le magnifique sol de la verrière et de l’espace scénique.
Tous participent activement aussi à la plantation d’arbres et d’arbustes, paysageant le ruisseau et l’environnement.
Nous y emmenons l’eau et l’électricité. Un bar fait de bois massif est prêt à fonctionner
Bernard Aucher, notre industriel actif généreux et efficace, nous confectionne plusieurs dizaines de tables rétro que nous installons pour accueillir les 150 spectateurs dans ce lieu étonnant, singulier et insolite.
Aux vues des valeurs et intérêts de cet ouvrage reconnu par les instances politiques administratives et culturelles, nous obtenons une subvention de l’Europe pour abriter et protéger la verrière.
C’est un immense et discret ouvrage solidement amarré, constitué de ferraille et de plaques translucides, qui recouvre le magnifique décor du Théâtre Hébertot devenu alors; “Le Café Théâtre du Lac”.
Hommes, femmes et enfants, tous nous avons laissé beaucoup de sueur à créer ce lieu magnifique. Nous sommes une nouvelle fois fiers et heureux, que notre rêve devienne réalité. (Gérard Garvanese en a capté avec sa caméra, le labeur de ses ouvriers en chantiers… document ci-joint)
1990, 1991, 1992, 1993, 1994, 1995, 1996, pendant ces années, ce lieu de prestige va recevoir: des expositions de peintures et de sculptures. Des stages de théâtre et de danse.
Des créations de Théâtre, de danses et de sculptures. Il devient lieu de résidence d’une troupe de théâtre parisienne. Des concerts classiques et Jazz y sont invités ainsi que du théâtre et de la danse. Une biennale, chorégraphique, y est programmée animée par des danseurs de tout l’hexagone. Un festival Concert Rock y est produit plusieurs années…
De 1989 à 1993, toujours avec une armée de bénévoles, dans les abords du Théâtre de verdure et Café Théâtre du Lac, nous mettons en chantier, l’aménagement d’un circuit de santé, une promenade botanique et un rocher d’escalade. Avec leurs professeurs, des élèves du CEG répertorient la flore et réalisent des bornes explicatives.
Nous continuons de planter des arbustes, aménageons les talus et assumons l’entretien général de ces espaces, richesse et propriété de la commune de L’Isle Jourdain.
Nous aménageons et sécurisons le “Mur d’escalade” avec le contrôle et l’aide du ministère de la Jeunesse et des Sports pour l’équiper.
Pour aider à ces travaux et aux décors de théâtre, sous l’égide du “Ministère de la Jeunesse et des Sports”, nous mettons en œuvre pendant plusieurs années “des Chantiers de Jeunes “. Ils concernent des jeunes adultes repris de justice en voie de réintégration: Le JET, du Vigeant. Ces équipes encadrées de professionnels vont participer aux chantiers. Ces jeunes apportent leur concours travaillant à mettre en valeur les sentiers et le bel environnement du site du bord de Vienne envahi de ronces et de broussailles, jusqu’alors inaccessibles. De nombreux bénévoles participent avec eux à ces actions, ce sont de riches moments d’échange, de découverte des uns et des autres, même si cette démarche comporte certaines difficultés. Homme de qualité, de parole et de cœur, le Colonel Paoli, directeur de ce centre mesure d’emblée l’intérêt d’une telle démarche et œuvre à mettre en action tous leurs moyens nécessaires pour que ce travail s’accomplisse positivement. Je garde un souvenir fort du personnel militaire qui encadre ces jeunes sur leur chemin de réinsertion.
Photos : Michel Geslin – Jean-Jacques Godfroid – Isabelle Lequimbre – Michel Mourasse
Gérard Garvanese a capté avec sa caméra, le labeur de ses ouvriers en chantiers…
J’ai fortement éprouvé le besoin de réaliser quels que soit leur qualité, ces montages vidéo afin de partager avec vous les traces filmées et collectées de-ci de-là, de toutes ces aventures… j’avais besoin de reprendre à zéro chacune d’elle pour comprendre ce que nous avons vécus, retourner sur leurs traces, y saisir les témoins et les imprimer… Trace, survivance de l’éphémère instant où tout ne serait qu’un rêve si elles n’étaient préservées par l’écriture, l’image qui ont la chance de rester vraies aujourd’hui encore et toujours…
Ouah mais quel Boulot!!!!
L’enthousiasme a eu raison de la folie .
Juste magnifique.
J’enrage de savoir ce qu’est devenu ce Café Theatre………….
On ne le dira jamais assez BRAVO BRAVO.
Que de beaux moments passés.
Je vous embrasse « passionnément ».
Claudie
Merci Claudie… Comme les temps changent ! Si cette aventure était à refaire aujourd’hui, on nous collerait aux fesses, un cordon sécuritaire pour les équilibristes inconscients que nous étions , une équipe d’action sociale pour l’exploitation des enfants, un groupe « anti-femen » contre nos femmes à la pioche et aux pavés… et dans ce théâtre, au lieu d’y rire à s’en éclater la rate, on serait torturé, écorché vif… Dérision tout est dérision, il vaut mieux en rire qu’en pleurer…
Café théâtre du lac. UN MOMENT INOUBLIABLE
Généralement les cartes postales de la belle époque étaient au verso, bavardes de gentillesses, de bonnes nouvelles et d’anecdotes pleines de vie…J’aimerais que chacun de vous, pareille, y relate un moment ou parle d’une personnalité ayant habité ces lieux… ou du souhait ou rêve formulé comme ça !
MON MOMENT INOUBLIABLE : Je n’oublierai jamais la première création de danse, chorégraphiée et dansée par Odile Azagury et son musicien. Ce ballet s’appelait je crois « Esther ! (à vérifier)» Odile notre belle danseuse aux yeux de braise et aux longs cheveux de jais, était enceinte, elle avait un joli ventre bien rond moulé dans son collant de danse.
Magnifique d’élégance, de fragilité, aux son du saxophone, elle danse s’élève du sol, elle se fond, troublante, émouvante et déroutante, femme fragile dans ce décor charpenté robuste de bois et de ferraille. Et puis le long moment où notre respiration est suspendue, elle aborde la descente du grand escalier du caf’conc’ en glissade, en roulade et déséquilibre total… Elle accompagne son ventre, le protège, le caresse, le rassure. Cette dégringolade est dans l’extrême ralenti, dansée toute de douceur, de fragilité, d’une protection déjà complètement maternelle… la prouesse est belle, contrôlée, bouleversante… C’était mon moment inoubliable…Jean Marie Sillard