2001 L’Harmonie de la Sainte Cécile
… Il s’agit d’une création originale, d’une fiction rétrospective, constituée par les hommes et l’histoire qui sont derrière nous,(Trophée Poitou-Charentes et Premier prix spécial du jury) , 150 participants musiciens, comédiens, choristes et danseurs, autour de l’Harmonie de Chauvigny. Du théâtre de Verdure à Chopalovitch toutes nos créations naissent sous une bonne étoile, c’est un peu comme un jeu de dominos ; quand un pion tombe, il entraîne tous les autres… cette bonne étoile est en nous, et, de nous, il dépend qu’elle continue d’être bonne ou mauvaise… notre dernière aventure heureuse partagée avec un très large public, donne à son tour un coup de pied au hasard qui fixe le destin de la nouvelle création ! Après le spectacle, un soir d’été, je rencontre un groupe de personnes de Chauvigny, Christian Mallet, Odile Hélouis…. Ils viennent me solliciter pour être l’artisan d’une aventure peu ordinaire, à partager avec eux : raconter, retracer l’histoire, faire mémoire de leur harmonie… L’association gère un orchestre d’harmonie de 45 éléments âgés de 13 à 84 ans dirigé par Didier Huchet, une école de musique de 160 élèves, coordonnée et dirigée par Benoît Millet. Elle est alors, présidée par Christian Mallet, secondé par Jean Coudreau et Jean-Claude Levesque vice-présidents, Nadine Audidier trésorière et Danièle Casanova secrétaire. J’avais beaucoup apprécié le spectacle de Jean-Pierre Bodin que j’avais vu à Chauvigny « Le Banquet de la Sainte-Cécile » créé en 1994. Depuis, ce sont dans plus de 500 représentations en France et à l’étranger que Jean Pierre Bodin relate avec talent les aventures de ces musiciens de l’Harmonie de Chauvigny qu’il avait fréquentée dans les années 70. Gageure ou pied de nez à Jean Pierre Bodin, voilà que les musiciens de cette “Harmonie de Chauvigny” connue de tous les coins de l’Europe se lancent le défi : monter leur spectacle, bien à eux cette fois, ils vont raconter leur propre histoire. J’assiste pendant plusieurs mois aux répétitions de l’harmonie. Une confiance réciproque naît d’emblée dés les premières rencontres dans cette salle de travail de Chauvigny désormais célèbre. Le répertoire de l’orchestre est très varié, de la musique classique aux musiques de films en passant par le jazz et des compositions originales. Didier Huchet, le chef d’orchestre, avec maîtrise, dirige le groupe instrumental, le travail est efficace et la convivialité réglée comme du papier à musique autour du bar qui règne au milieu de cette salle. Là, j’étudie et découvre peu à peu la personnalité de ces hommes et ces femmes, me laissant aller à imaginer des personnages, des tempéraments et caractères et, une histoire ! Je récolte leurs témoignages et le desiderata de Didier Hucher, des musiciens, des piliers de l’association comme André Rideau, Marcel Hélène… et surtout je consulte les nombreuses archives de l’Harmonie ainsi que celles de l’histoire locale… Dans les registres municipaux de 1880, je découvre l’existence d’un ensemble instrumental en 1868 à l’initiative de la communauté des Frères de l’ordre de St Gabriel. Cette fanfare constituée d’hommes et ensuite de femmes, va traverser les épreuves, drames et bonheurs du 20° siècle, à travers elle, bat le cœur de la commune. Deux, trois, quatre générations se succèdent au gré du temps ; des guerres, des crises, des rencontres et des liaisons. Des mêmes noms de famille qui reparaissent d’une époque à l’autre m’inspirent le fil conducteur de la fiction.
L’histoire se projette, mon scénario s’ébauche.
Je me plonge dans l’écriture du texte et des dialogues ; les saynètes des entre-guerres souvent légères et drôles, alternent graves et dramatiques lorsqu’elles évoquent les guerre, la résistance…
C’est l’amour, la vie, la mort que nous content les musiciens Chauvinois, de la gestation de leur fanfare, jusqu’à la fin de 20° siècle.
Ces tableaux différents sont illustrés du thème musical des époques traversées. Pendant les répétitions, au choeur de cette harmonie, la force et la puissance de la musique me font frissonner et vibrer comme les vitres et les murs de cette enceinte.
Avec l’équipe artistique de l’harmonie nous explorons l’ensemble du répertoire du siècle passé et décidons du choix musical. Il est très éclectique et dans ces couleurs harmoniques vont se dessiner les destins et l’histoire.
Comment jouer la comédie quand on est musicien ? Il me faut faire parler les musiciens d’eux-mêmes, de leurs familles, de leur musique auparavant réservée à une élite et qu’ils se sont appropriée. Ce sont cinq générations de musiciens, souvent instrumentistes de père en fils que j’implique dans
l’histoire de leur ville et de leur pays. J’évoque en 1914, les clairons en première ligne sur le front, condamnés à la première salve… En 1945, la résistance, les fêtes de la libération, les commémorations d’année en année instrumentistes, accompagnateurs de joies et de peines ! Les musiciens se voient donc, ajouté à leur partition, de gré ou de force ! un rôle parlé ! Gageure, défi ! avec du travail et de la persuasion, cela va s’avérer, oh combien gratifiant et heureux !
Pour interpréter les rôles principaux, Yves Jallais, un ami fidèle, implique les comédiens de son atelier « Théâtre du CAP de Chauvigny ».
Des comédiens du « Théâtre du Lavoir » passionnés et déterminés viennent me rejoindre et renforcent l’équipe théâtrale du projet qui s’enrichit aussi, des personnes de Chauvigny et d’ailleurs.
Pour moi, l’écoute de cette harmonie des sons, me suggère des mots, des airs, des chants, des mélodies, des hymnes qui ont franchi le temps et fait l’histoire.
J’implique les trois Chorales de Chauvigny respectivement dirigées par Odile Hélouis, Annie Stamatakis et Marcel Hélène. Ces trois Chefs de Choeurs s’entendent pour le meilleur et ils vont investir jusqu’au cou leurs choristes. C’est un immense travail de chorus qui se met en chemin. Les chanteurs, qu’ils le veuillent ou non vont devenir les acteurs de l’aventure, nécessitant un long travail d’interprétation et de jeux.
La chorégraphie s’impose avec cette musique rythmée de French Cancan, de Jazz, de Swing ou de cadence Populaire. Sylvie Pagenaud et son atelier « Temps Danse » entre dans notre histoire. Elle fait rentrer dans le mouvement, avec brio et talent toute une séduisante jeunesse, et devient coach des 150 baladins de l’épopée du siècle passé de L’Harmonie de Chauvigny. Écriture, Musique, Chant, Chorale, Théâtre, Danse… Une Comédie Musicale Populaire voit le jour…
Mon objectif est désormais à travers ces multiples ateliers d’emmener chacun à aller bien au-delà de ce qu’il fait habituellement : Dans cette histoire un peu, beaucoup, passionnément ou folie, tout va très vite s’enchaîner, l’aventure est sur le bon chemin, l’engouement des répétitions est palpable, la présence est assidue, on y travaille attentivement, on y croit. Les techniques se cadrent, tout devient sérieux et se précise. Je n’ai pas toujours mesuré la portée de certains de mes engagements ! ainsi, pour preuve, afin d’honorer le contrat qui nous lie aux subventionnement, (il nous fallait bien des sous ! ) nous avions programmé 3 mois avant la première, une « Soirée de Répétition Publique » (facile !).
Ce devait-être un peu comme une mise en bouche, une ébauche très partielle et fragmentée du spectacle en chantier… pour un petit, petit public ! (pourquoi pas ! que ne ferait-on pas pour avoir des sous !)… Quel souvenir ! Surprise, ce soir de décembre 2000, l’immense salle de Chauvigny est comble ! et dans l’instant, nous sommes en situation de vivre le scénario cauchemar du comédien qui devant le public prend conscience, qu’il ne connaît pas son texte, du musicien qui ne déchiffre que timidement sa partition, les danseurs sont désynchronisés, décalés, les choristes désaccordés !!!
La mise en scène bafouille, hésitante et, comble de légèreté, ce soir là, la technique locale désinvolte, entre les coups de poursuites et d’effets lumière balancés de-ci de-là, dans la régie, suit (Concurrence télévisuelle oblige), sur le téléviseur de la régie, l’élection de « Miss-France » et un match de foot dont les résultats circulent de casque en casque… Tous les ingrédients réunis pour provoquer, une mort subite au metteur en scène que je suis ! Abracadabra… et un lapin sort du chapeau ! La magie nous entraîne parfois dans un monde ou tout devient possible ; Le spectateur ce soir là, avec beaucoup de discernement se laisse aller et même entre, dans l’aventure de ces 150 acteurs. Mes histrions, comédiens et cabotins, (probablement enhardis par leur nombre et stimulés par le nombreux public !), sans complexes de leurs failles et faiblesses, mettent tout leur cœur et toute leur sincérité à jouer les aventuriers… c’est troublant, émouvant et heureux, un vrai partage d’émotion de joie et de plaisir avec le public… Surprise ! C’est un succès, présage d’une suite heureuse…
Tout va très vite s’enchaîner, l’aventure est sur le bon chemin, l’engouement des répétitions est palpable, la présence est assidue, on y croit, on y travaille attentivement. Les techniques se recadrent, tout devient très sérieux, précis, nous sommes alors prêts.
Trois mois plus tard, les représentations vont enthousiasmer le public. Un souvenir… Le soir de la « Répétition Générale », avec évidemment déjà un plein public, la représentation se déroule dans un climat de détente et d’assurance tel que je collecte une multitude de notes de mises au point, et de petites remarques, comme je le fais toujours à chaque représentation. C’est une démarche indispensable, si l’on veut améliorer le spectacle, préciser des points particuliers, améliorer des enchaînements, recentrer la concentration, la justesse et le jeu des comédiens etc. Les spectateurs partis, je n’oublierai jamais la tête de mes 150 artistes assis sagement sur les gradins qui après avoir été applaudis à tout rompre, fiers de leurs prestations, m’écoutaient ébahis énumérer ma litanie de remarques, d’indications ! J’ai bien compris à une heure du matin que tous se sentaient alors réprimandés, voir admonestés. C’est comme cela que je me vois jouer quelquefois le rôle ingrat du père fouettard… Ma solitude est grande lorsque je suis conduit de rappeler à l’ordre quand-il le faut les règles, à astreindre à un travail plus sérieux ou à empêcher des dérives et débordements. Pour le public, je porte la responsabilité d’un vrai travail abouti, de qualité et pour le comédien-interprète, la responsabilité de le grandir de son aventure..
À la fin de la « Première Représentation Publique », les comédiens sont ovationnés dans l’immense et belle salle Charles Trenet de Chauvigny qui affichera complet chaque soir.
La population garde en référence et mémoire la belle histoire de «L’Harmonie de la Sainte-Cécile » Nous remportons les « Trophée Poitou-Charente 2001» du meilleur spectacle musical et le premier prix spécial du jury. Un regret …. nous aurions pu jouer ce spectacle quelques mois de plus, et contenter un public qui n’a pu venir le voir.
Adaptation et mise en scène Jean Marie Sillard
Chef d’Orchestre Didier Huchet
Direction Chants Annie Stamatakis Marcel Hélène Odile Hélouis Atelier théâtre du CAP Yves Jallais
La troupe du Lavoir
Chorégraphie : Sylvie Pagenaud Adaptation
Harmonisation Félix Francis Blanchard
Régie technique générale Paul Bergeron
Eclairage Christophe Robin Sylvère Bartoux Emmanuel Régeon Son Eric Bykowski Philippe Gabillat
Projection photos Jean Claude Levesque
Costumes Chantal Mallet Hélène Mourasse
14 ans après… Coup de chapeau ce dimanche de janvier 2014 ; l’Harmonie de Chauvigny vient de donner son concert annuel . Je la découvre avec plaisir, toujours aussi vivante et dynamique, elle a enthousiasmé le public Bravo à vous.
Photos : Jean-Jacques Godfroid – Michel Mourasse – Xavier Benoit.
J’ai fortement éprouvé le besoin de réaliser quels que soit leur qualité, ces montages vidéo afin de partager avec vous les traces filmées et collectées de-ci de-là, de toutes ces aventures… j’avais besoin de reprendre à zéro chacune d’elle pour comprendre ce que nous avons vécus, retourner sur leurs traces, y saisir les témoins et les imprimer… Trace, survivance de l’éphémère instant où tout ne serait qu’un rêve si elles n’étaient préservées par l’écriture, l’image qui ont la chance de rester vraies aujourd’hui encore et toujours…